Les ancêtres de la bande dessinée

On lit parfois que la premières bande dessinée est "The Yellow Kid". C'est faux... Mais ça n'est pas le sujet de cet article. J'y reviendrai un autre jour.

On lit aussi que ça serait la tapisserie de Bayeux... Ca n'est ni vraiment faux, ni vraiment juste.

Il est peut-être bon, d'abord, de tenter une expérience délicate : définir la bande dessinée.

S'il faut des phylactères ET des cases, alors on est mal partis. S'il faut des planches entières, qui plus est construites selon une logique imparable d'allers, de retours et d'arrêts éventuellements brutaux du rythme de lecture, on est encore plus mal barrés. Tout ça devra attendre le XX° siècle.

Dans un précédent article, j'ai évoqué ce qui semble être, vers 1827, la naissance de la bande dessinée. Juste un petit regard, cette fois-ci, sur les "ancêtres".

L'élément symbolique de la bande dessinée trouve son origine dans les enluminures, statues et tableaux du Moyen-Age. Le phylactère y est en effet présent, de façon récurrente. Il sert à "porter" les paroles du personnage, lequel n'est en fait que le transmetteur de la parole divine.

Dieu est "verbe" c'est à dire parole... Autrement dit "âme-esprit". Car au Moyen-Age, on ne conçoit pas l'âme là où il n'y a pas de parole. Ou difficilement... Les muets sont assimilés à des "imbéciles" au sens latin du terme, c'est à dire des "faibles en esprit". Ce qui n'est pas forcément infâmant car les simples en esprit conçoivent plus difficilement le péché et sont plus proches de Dieu.

J'sais pas, vous, mais moi, j'ai du mal à suivre la logique. (je vous renvoie ici à la Bible pour en savoir plus... Car ce n'est vraiment pas le sujet de cet article. ) Tant pis. On retourne à nos phylactères...

Lesquels ont une portée mystique, vous l'aurez compris, et non seulement informative.

Dans certaines BD modernes qui donnent à leurs phylactères des apparences de parchemin, on retrouve une idée de ce genre. Le parchemin vient d'au-delà des temps, voire d'un autre monde. Ce n'est pas un vulgaire encart texte dans l'angle de l'image.

La tapisserie de Bayeux, dont ont dit parfois que c'est la première bande dessinée, présente des scènes commentées, ou plus exactement, avec une légende indiquant de quoi il s'agit. Il reste difficile de parler de BD. D'une part, les successions sont loin d'être immédiates entre elles... Mais de cela on peut s'accomoder.

Ensuite, il est évident que cette oeuvre n'a pas été créée pour être diffusée, que ça soit à grande ou petite échelle. C'est une oeuvre unique, non reproductible, même en un petit nombre d'exemplaires.

Au contraire des gravures, sérigraphies et dessins au pochoir qui, bien qu'étant effectués selon des techniques ne permettant pas un grand nombre d'exemplaire, sont quand même déjà des objets multiples et donc diffusables.

Ca n'est pas un critère très poétique... Mais il me semble que ça fait partie des caractéristiques de la BD. Pour se baser sur les différents types d'arts définis en matière juridique = c'est un art "d'auteur" et non "d'artiste créateur".

La Tapisserie n'est destinée qu'à un public très restreint : celui qui visite la salle où elle se trouve. Autrement dit, la maisnie de son propriétaire (domestiques autant que chevaliers, gentes dames et conseillers) et les visiteurs. C'est un objet de prestige.

Evidemment, vous pouvez dessiner une planche et ne pas la reproduire... Cela ne changera rien au fait qu'elle est reproduisible techniquement parlant. Mais si au lieu de la dessiner sur un support plat, vous avez choisi de la broder ou de la sculpter en ronde-bosse... Ca peut devenir plus délicat.

On peut aussi remonter jusqu'à l'Egypte Antique, où certains hiéroglyphes, à côté des personnages représentés, indiquent leurs actions et/ou leurs paroles. J'y ferai la même critique...

Dans un cas comme dans l'autre, chacun est libre de me suivre ou pas ! Pareil pour les phylactères, d'ailleurs...